FNACA DE PARIS

Comité départemental de la Fédération Nationale des Anciens Combattants d'Algérie, Maroc et Tunisie

FNACA DE PARIS

Commémoration du Soixantenaire du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie, hommage aux victimes de la guerre d’Algérie à l’occasion de la Journée nationale du souvenir et de recueillement – Photo Joséphine Brueder – Ville de Paris

 

Madame la Maire, Messieurs les Préfets, Mesdames et Messieurs les Elus, Messieurs les Officiers Généraux et Officiers, Mesdames et Messieurs les Présidents des Associations d’Anciens Combattants, de Résistants et Victimes de Guerre, Messieurs les Porte – Drapeau, Mesdames, Messieurs, …

19 mars 1962, 19 mars 2022. Nous commémorons, aujourd’hui, le 60e anniversaire de la proclamation du « Cessez – le – Feu » de la Guerre d’Algérie, le dernier conflit du 20e siècle auquel la France aura été confrontée.

Après les dénominations d’ « opérations de maintien de l’ordre » puis de « pacification » et autres trouvailles, il aura fallu 37 ans à nos hommes politiques pour se décider enfin à reconnaître, en 1999, que ce conflit resté durant tout ce temps sans nom, fut bien une Guerre et 50 ans, le 6 décembre 2012, pour que le 19 mars soit reconnu comme « Journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la Guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc »

Cette Guerre d’Algérie aura duré 7 ans, 4 mois et 18 jours et concerné près de 2 000 000 de jeunes Français – âgés pour la plus grande part d’une vingtaine d’années et issus d’une armée de conscription -.

La Guerre d’Algérie – comme la Guerre d’Indochine – ne fut pas une guerre conventionnelle telle que celles que la France a connues en 1914/1918 et en 1939/1945 qui ont, elles, fait des millions de morts et de blessés. C’était une Guerre de décolonisation du côté Français et d’indépendance du côté Algérien.

Il n’empêche qu’à la fin de cette Guerre d’Algérie, le Bilan du côté Français fut de :

– 30 000 morts et/ou disparus civils et militaires et près de 300 000 blessés dont certains sont restés handicapés à vie, malades ou bien polytraumatisés ;

– des milliers de « harkis » furent abandonnés sur place à leur triste sort ;

– plus d’un million de « rapatriés dits « pieds noirs » et de « harkis » contraints de quitter le pays de leurs racines et qui furent, c’est le moins qu’on puit dire, très mal accueillis à leur arrivée en Métropole ;

– n’oublions pas ceux qui ont été faits prisonniers et ceux qui ont disparu comme ceux des Abdellys ;

– n’oublions pas non plus les militaires et les civils qui ont eu à subir les essais nucléaires au Sahara. Certains sont décédés alors que d’autres en portent, encore aujourd’hui, les séquelles qui ne sont pas reconnues, à ce jour, par l’Etat Français.

– n’oublions pas ceux qui ont été assassinés par l’OAS.

Nous venons d’entendre l’Ordre du Jour N° 11 que le Général AILLERET – Commandant Supérieur des Forces Françaises en Algérie – prononça le 19 mars 1962, à midi, s’adressant à toutes les Forces de l’Ordre et ordonnant le Cessez – le – Feu.

Cette décision fut la conséquence politique et non militaire du long processus de négociations – voulues par le Général de Gaulle – entre les représentants officiels du Gouvernement de la République Française et ceux du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (le G.P.R.A) et aboutissant, la veille, le 18 mars 1962, à la signature dite des « accords d’Evian » tant critiqués de part et d’autre de la Méditerranée.

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Je voudrais extraire de cet Ordre du Jour N° 11 deux phrases qui me paraissent essentielles [je cite] :

« Ainsi ont été assurées les conditions militaires nécessaires à la solution d’un très grave problème politique. La mission est donc remplie…, »

« Aujourd’hui comme hier, dans la paix comme dans les combats, l’Armée Française est restée fidèle à la tradition du Devoir… »

Aujourd’hui encore, 60 ans après le « Cessez – le – Feu » et l’indépendance de ce pays, « Nous avons toujours mal à l’Algérie ! ». Les passions ne sont toujours pas apaisées. La Guerre des mémoires est toujours vive. Nombre de politiques, de militaires et de civils se posent la question, encore aujourd’hui, de savoir si cette Guerre a été gagnée ou bien perdue par les Armées Françaises. Vaste sujet.

Au cours de cette Guerre d’Algérie, l’Armée Française n’est-elle pas restée fidèle à la tradition du Devoir ?

Comme dans tous les conflits du 20e siècle, que ce soit en 1914/1918, en 1939/1945, en Indochine – tout comme dans les conflits des siècles précédents – il y a eu des morts après le 19 mars 1962 en Algérie. Y a-t-il eu pour autant rupture du Cessez – le – Feu entre les belligérants qui ont signé les « accords d’Evian » ou bien devrions-nous parler de « dégâts collatéraux ».

Il n’empêche que nous, les acteurs de ce conflit, qui avons participé à cette page militaire et politique de l’Histoire de France en Algérie, n’avons pas à rougir et à nous excuser d’avoir fait notre devoir – et rien que notre devoir – sous les plis du drapeau Français, restant fidèles à la tradition. Du haut de nos vingt ans, nous avons servi loyalement le drapeau tricolore et répondu à l’appel de la Nation comme nos aînés l’avaient fait avant nous.

Que cette guerre soit gagnée pour les uns ou perdue pour les autres, une réalité s’impose à tous. À la suite du référendum d’avril 1962 voulu par le Général de Gaulle, – tout le monde en connaît les résultats aujourd’hui – l’Algérie est devenue officiellement indépendante le 5 juillet 1962. Comme le sont devenues progressivement, depuis 1954 en ce qui concerne l’Indochine, puis toutes les autres colonies de l’Ex-Empire colonial Français à partir de 1960.

Aujourd’hui, 60 ans jour pour jour après le Cessez – le – Feu du 19 mars 1962, seule date historique, nous sommes réunis ici pour nous souvenir de tous ceux qui ont sacrifié leur vie et qui sont « Morts pour la France ».

Ce matin, nous nous recueillons, devant ce Mémorial du Cimetière du Père Lachaise pour honorer les 758 Parisiens – militaires et civils – tués en Algérie. Puis, dans un instant, nos camarades, disparus des Abdellys ainsi que les victimes de l’OAS.

Un hommage sera aussi rendu à nos camarades dont les cendres ont été dispersées au Jardin du Souvenir dont celles de Jean LAURANS, mon prédécesseur, qui nous a quittés le 5 janvier dernier et qui aurait tant aimé être avec nous aujourd’hui.

Nous n’oublions pas d’honorer nos jeunes militaires engagés depuis 9 ans au Sahel dont 53 d’entre eux sont « Morts pour la France ». Nous aurons une pensée aussi pour nos militaires qui se déploient en ce moment sur le théâtre européen. Je n’en dirais pas plus à ce sujet…

Notre préoccupation maintenant, est de transmettre la Mémoire à nos jeunes générations pour que notre pays, la France, délivre sans cesse un message de Paix. Au moment où les peuples de nos anciennes colonies expriment un profond désir de démocratie, la France, à travers ses anciens combattants, pourrait entamer une nouvelle ère dans nos relations avec l’Algérie.

Sans repentance ni oubli de notre Histoire commune, plus de soixante ans après s’être entredéchirés, ne pourrions-nous pas, ensemble, essayer de construire un avenir solide basé sur une relation de confiance et d’amitié ? Comme ont su le faire le Général de Gaulle et le Chancelier allemand Conrad Adenauer après la seconde Guerre mondiale. Mais aussi quelques années plus tard François Mitterrand et Helmut Kohl.

La guerre des mémoires ne rime à rien. Gageons que des hommes de bonne volonté, des deux rives de la Méditerranée, auront l’intelligence de se rencontrer pour travailler ensemble sur la véritable Histoire de la conquête de l’Algérie, des bienfaits et des méfaits de la colonisation de ce pays, d’envisager une vraie réconciliation et signer enfin un traité de Paix.

Je vous remercie.

Francis YVERNÈS

Président de la FNACA de Paris